Derniers jours en Inde

Au revoir chaleur et klaxons

Namaste !

Je vous avais laissés à Vagamon, me voilà à Hong Kong ! Mon périple keralais s’est achevé presque aussi intensément qu’il a commencé, et je vais revenir un peu en arrière pour vous donner plus de détails. 

Retour à Vagamon donc ! On a été très sollicitées pendant les quelques jours que l’on a passés avec la communauté dalit réunie autour de Sanjini et de ses projets. À la ferme, nous étions prises en charge par V., un jeune dalit chrétien qui prépare une thèse de doctorat sur… les castes et le colonialisme. Marié à une hindou (c’est donc un « love marriage » et non un mariage arrangé), il vit dans un bon quartier où il est obligé de cacher sa véritable identité de caste. Il nous a dit que si ses voisins voyaient son certificat de naissance, sur lequel figure sa caste, il se ferait lyncher. Il semblerait que de nombreux dalits vivent sous une autre identité pour tenter d’échapper à leur sort. Pour ajouter à sa chance, il s’est réveillé entièrement paralysé il y a 2 ans. Sanjini lui a alors proposé de travailler pour l’orphelinat, en échange du paiement de ses frais médicaux. Il a aujourd’hui presque complètement récupéré et a pu reprendre son sujet de thèse, tout en continuant à donner des coups de mains à Sanjini. C’est donc lui qui nous a promenées un peu partout dans la région pendant quelques jours, nous emmenant sur des lieux touristiques improbables comme par exemple une forêt de pins, dont l’entrée était payante. Les indiens y vont pour se prendre en photo au milieu des arbres, on trouve des bouteilles en plastique vides un peu partout près de l’entrée. Ça nous a donné une vision assez dystopique d’un futur où il faudrait payer pour voir un peu de verdure. 

Quand on a quitté la ferme on s’est mis en tête d’aller rencontrer Lalu, une féministe activiste d’une caste supérieure qui a aidé Sanjini au début de son projet. Nous sommes donc parties pour un périple en jeep jusqu’à Vagamon, premier bus jusqu’à Pala, second bus pour Choottuveli, tuktuk, deux heures avec Lalu, re-tuktuk, troisième bus pour Allepey, ferry pour Villakumaram, arrivée à notre hôtel. Grosse journée éreintante mais ce petit stop valait vraiment le coup !  

On s’est retrouvées en immersion dans la haute société pour deux heures, avec Lalu et son mari, docteur en relations internationales ayant enseigné partout dans le monde (et dernièrement à Téhéran, on a donc parlé un peu d’Iran ensemble !). C’est très intéressant d’avoir un autre point de vue sur le système des castes et de pouvoir en discuter. Ils nous ont ainsi expliqué que les castes et tribus indigènes sont dans la constitution indienne et sont recensées. Il existe, proportionnellement à ce recensement, des places réservées dans la fonction publique et les universités pour les citoyens dalits ou indigènes (les dalits représenteraient 25% de la population si j’ai bien compris, les tribus originaires 7%). Lalu et son mari ont évoqué quelques figures féministes et dalits qui commencent à émerger et à porter la voix de ces populations, comme par exemple Rehka Raj (je n’ai pas encore eu le temps de faire des recherches à son sujet). 

On a également discuté de la place des occidentaux dans les affaires sociales et humanitaires indiennes. Leur opinion était que l’important est que l’initiative des projets vienne des populations concernées. Certains projets nécessitent d’importants financements, qui peuvent alors venir de l’étranger, à condition que les locaux puissent disposer des fonds comme ils l’entendent. Certains aspects, notamment liés à l’importance du statut social en Inde, sont difficiles à appréhender pour des occidentaux. En revanche leur avis diffère pour ce qui est des « mouvements », nécessairement politiques, pour lesquels ils préfèrent ne pas recevoir de financements de l’étranger. Je crois qu’on pourrait résumer ce point de vue en « laisser les sociétés mener leurs propres révolutions ». Dans le cadre de l’orphelinat la ligne de démarcation entre projet et mouvement politico-social est ténue, ce qui rend la participation de Paula et des américains complexe. Mathilde me corrigera si elle voit quelque chose à ajouter et je vous en ferai part le cas échéant 🙂

Suite à ces intenses réflexions une pause était bien nécessaire. Nous sommes donc restées deux jours dans un joli petit hôtel sur une île des backwaters, ce qui nous a permis de nous balader à pied seules (pas évident dans la campagne indienne !) et de faire un tour de canoë magique au lever du soleil, l’occasion de contempler la vie quotidienne le long des canaux. 

On a ensuite fait une petite escapade plage, avec une vue assez apocalyptique de la côte : toutes les auberges du bord de mer ont été emportées par une tempête et la plage était jonchée de détritus, ce qui est bien dommage. 

De retour à Cochin Mathilde et moi nous sommes bien tristement séparées, non sans avoir assisté à une démonstration de Kathakali, une danse traditionnelle qui implique tous les muscles du visage et les yeux. Je vous encourage à regarder des vidéos et à vous entraîner à le faire, je verrai à mon retour si vous êtes au point ! 

J’ai donc pris un bus de nuit pour Bangalore, où j’ai passé 12 heures et découvert encore une autre facette de l’Inde (avec des femmes en short dans la rue !) et où j’ai fait une grande balade à pied. Je me suis un peu égarée au détour d’une ruelle bondée et j’ai marché 25 minutes sans voir une seule femme, ce qui était assez oppressant et m’a rappelé que j’étais bien encore en Inde. Le soir même j’ai pris l’avion de nuit, pour Hong Kong. Ce sera normalement mon dernier avion du voyage, puisque l’objectif est maintenant de rejoindre Paris en train. 

Après ces deux nuits de transport je suis épuisée, je vais donc vous laisser sur ces nouvelles et avec une double ration de photos. 

À vite, 
Lucile

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