1 acre, 20 femmes et encore une vache

Agroécologie et pérennité

Namaste ! 

Il s’est passé tellement de choses cette semaine que je ne sais pas par où commencer ! 

Dimanche dernier la visite de Mussoorie a été très agréable avec promenade dans la montagne par un beau soleil. L’endroit est très paisible, les gens sont souriants et nous avons rencontré Shiv, un vieux monsieur de 75 ans qui nous a offert le thé. Il parlait très bien anglais et nous a raconté qu’il a vu presque 80% de l’Inde. Ce petit break de la ferme était bienvenu, pour bousculer un peu la routine et voir autre chose. 

De retour à Navdanya la semaine a été riche en apprentissages ! Je vais tout d’abord revenir sur mon dernier mail qui a suscité plusieurs questions, notamment concernant les vaches, les rendements de ce type d’agriculture etc. Nous avons justement eu une longue session d’explications à ce sujet !  

À propos des vaches : les vaches ici vivent environ 20 ans (contre 5/6 ans en agriculture traditionnelle). Il est interdit de tuer et de manger les vaches pour les hindous, donc elles vivent une vie normale sur la ferme. Il y en a 7 ou 8 actuellement. Ce n’est donc pas un type d’agriculture très demandeur en bétail. D’autre part il faut noter que :
– une vache ça fait beaucoup caca ! pas besoin d’en avoir des centaines pour faire une bonne production de fumier et pesticides
– ici tout est zéro déchet : le fumier en trop est utilisé pour faire du bio-gaz pour alimenter la cuisine ou pour construire des maisons. On peut tout faire avec la bouse
– il n’est pas obligatoire d’avoir des vaches pour faire de l’agriculture bio, même si c’est très pratique. Pour rappel on fait ici 16 types de compost (aussi appelé fertilisant) dont seulement 4 utilisent du fumier. 

Voilà pour le sujet « vaches », source de tous les débats.

L’autre grande question c’est comment nourrir un pays comme l’Inde et par extension la planète en agriculture bio ? Les méthodes employées ici peuvent paraître très archaïques et pas rentables. 

Navdanya a mis en place un terrain modèle d’une acre à la ferme (1 acre = 63×63 m environ). L’idée est qu’une acre de terrain est suffisant pour nourrir une famille de 6 personnes pendant 1 an en agriculture biologique. Ensuite on a vu que 2 personnes travaillant 6/7 heures par jour sont suffisantes pour exploiter 7.5 acres et qu’il est recommandé d’avoir 1 vache pour 20 acres. 

Si je résume ça fait donc 20 acres = 1 vache + 5 personnes = production suffisante pour nourrir 120 personnes par an. 

La clé pour arriver à de bons résultats c’est le « multi-cropping » c’est à dire planter plusieurs espèces dans une même parcelle et la rotation des parcelles, c’est à dire qu’on replante sur la même parcelle des graines différentes au fur et à mesure des saisons. À noter aussi que tout se mange (on fabrique ici de l’huile de moutarde, on conserve les graines pour faire des épices, on mange les feuilles en salade…) et que cela implique évidemment de moins ou de ne plus manger de viande. 

Cette semaine nous avons également rendu visite à un Self-Help Group, groupe de 20 femmes membres de Navdanya qui sont passées au bio et nous ont reçus pour en parler. Tout d’abord elles ont intégré le réseau de Navdanya pour pouvoir à nouveau planter les graines indigènes de la région et sauvegarder la biodiversité (Navdanya possède par exemple, plus de 700 espèces de riz différentes dans la banque de graines. Chacune a des propriétés spécifiques, notamment en termes de résilience à certains climats). Quand on leur a demandé quelle différence elles avaient constaté en passant au bio elles ont répondu d’une seule voix : « pani ». Pani ça veut dire « eau » en hindi. L’eau est revenue sur leurs terrains, plus besoin d’investir dans de coûteux systèmes d’irrigation. Plus besoin non plus d’investir dans des fertilisants et pesticides chimiques. Plus besoin, enfin, d’investir chaque année dans l’achat de nouvelles graines (puisque les graines hybrides sont pour la plupart stériles, contrairement aux graines bio). Pour en savoir plus sur la situation agricole en Inde je vous invite à vous renseigner sur la révolution verte (le livre « violence of the green revolution » est très bien) et à aller à la conférence de Vandana Shiva à Paris le 22 février (inscription ici http://bit.ly/2HWTlpL )

La rencontre avec les femmes a été un très beau moment humain. Elles riaient tout le temps et nous racontaient des blagues qu’on ne comprenait pas, ce qui les faisait encore plus rire. Quand on est repartis deux d’entre elles m’ont attrapée par le bras et m’ont kidnappée, hilares, pour me montrer leur maison et me présenter leur famille. Elles m’ont ensuite gentiment ramenée au groupe donc je n’ai pas été perdue trop longtemps. 

J’ai encore des tas de choses à vous raconter mais ce sera pour un prochain mail, celui-ci est déjà bien chargé ! Je ne rajouterai qu’un détail technique : on a eu un cours sur la conservation des graines pour pouvoir les re-semer d’une année sur l’autre et pour les légumes on ne fait pas comme il faut ! Il ne faut pas laver les graines de courges, tomates, concombres etc. Il faut les mettre dans la paille ou dans la cendre pendant quelques jours puis les conserver dans un pot en verre (ou dans un pot en… caca de vache, évidemment !).

En mars je vais faire du volontariat dans une ferme en biodynamie et qui fait de l’élevage en Chine, ça me donnera donc l’occasion de voir une autre manière de faire. 

Pour l’heure je suis en route vers Delhi où je vais passer le week-end parce que ma copine Juliet est là pour son travail. Ce sera l’occasion de prendre une douche. 

Au prochain épisode : four solaire, conservation des graines et histoires de femmes et de migrations, sauf si j’apprends encore de nouvelles choses sur votre sujet favori, les vaches et leurs excréments. 

À très vite, 
Lucile

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