Découvertes chinoises

Censure, nouilles et capitalisme

你们好 ! 

Pendant que vous marchiez pour le climat je marche en Chine depuis une semaine. 

Je suis arrivée à Hong Kong dimanche dernier, complètement crevée après une nuit de bus et une nuit d’avion. J’ai vécu mon séjour à Hong Kong un peu comme dans un rêve, en déambulant dans la ville au hasard des marchés et buildings. C’était très étrange d’être dans cette grosse ville propre et organisée, avec des trottoirs, des feux rouges, de beaux magasins… En arrivant de Bangalore j’ai trouvé que c’était très calme et paisible !  

Là-bas, j’ai retrouvé mon ami péruvien Andrés, qui travaille maintenant à Macao dans un restaurant péruano-japonais. Le voir à Hong Kong a accentué l’impression d’irréel que je ressentais déjà. 

J’ai ensuite fait route vers mon premier stop en Chine : Guilin. C’est là que le choc culturel a vraiment eu lieu ! Tout d’abord, j’avais complètement oublié la censure. En Chine pas de Google ni de Facebook, c’est à dire que je n’avais accès ni à WhatsApp, ni à mes mails. Impossible également de faire une recherche sur Google, de charger Google Maps ou de télécharger une appli de traduction. Je me suis rendue compte à quel point on est dépendants d’internet, et à quel point c’est utile en voyage. Ça m’a tracassé mais j’ai finalement rencontré une française, Sarah (que je salue au passage puisqu’elle reçoit maintenant mes mails), qui m’a aidée à installer un VPN, application permettant de contourner la censure en se géolocalisant dans un autre pays. J’ai hésité un temps à m’en passer mais pour planifier la suite de mon voyage et rester en contact avec tout le monde c’est quand même mieux !  

Un peu perdue donc, il m’a fallu un temps d’adaptation pour arrêter de répondre aux gens « ha » et « nahi » en remuant la tête à l’indienne et pour me rappeler d’autre chose que « Wo yao mai pingguo » en chinois (il faut que j’achète des pommes). 

À part ça Guilin est une petite ville très sympa, traversée par la rivière Li, bordée de pêcheurs. Le seul problème, que je rencontre finalement partout en Chine depuis mon arrivée, c’est qu’ici le tourisme c’est Disneyland. Il faut payer pour tout (les parcs, les montagnes, les collines, les temples, les lacs, les pagodes…) et tout est envahi de touristes chinois armés de leurs perches à selfie qui se bousculent pour prendre la meilleure photo. J’ai donc pris la décision de faire rapidement route vers le Yunnan, où j’ai rejoint le lac Lugu après un stop à Kunming, grosse ville où j’ai pu voir beaucoup de vieux danser et jouer à divers jeux dans le parc principal, sous les cerisiers en fleurs, et où  là encore le capitalisme règne et tout incite à la consommation (payer pour se prendre en photo avec les mouettes ou pour s’habiller en tenue traditionnelle au bord du lac, bordé de boutiques de souvenirs très kitchs).

Si j’ai choisi de visiter le Yunnan, et en particulier le nord, c’est pour ses paysages, randonnées, temples bouddhistes à la frontière du Tibet mais aussi parce qu’il abrite près de la moitié des minorités ethniques recensées en Chine, dont les Mosuo au bord du lac Lugu. 

Les Mosuo sont l’une des dernières sociétés matrilinéaires qui existent encore. Les femmes ont un rôle prédominant dans l’économie, la politique et la gestion des ressources. Chaque femme peut choisir son mari, qui lui rend visite le soir et repart au matin pour aider ses sœurs à éduquer ses enfants. Le divorce et le remariage sont permis depuis toujours et peuvent être décidés aussi bien par les hommes que par les femmes et il n’existe pas de dot. On dénombre moins de problèmes sociaux dans cette communauté qui fonctionne très bien (et c’est d’ailleurs pour ça qu’ils arrivent à maintenir ce système malgré l’influence des Han et les tentatives d’homogénéisation). 

Je suis donc arrivée au lac Lugu, dont les guides disent que c’est un endroit encore préservé et peu touristique. Hélas, j’ai été bien surprise de devoir payer un droit d’entrée (cher !) sur un parking rempli de bus de touristes se prenant en photo avec des gens déguisés en costumes traditionnels (photos payantes, évidemment). Autour du lac se déroulent de véritables séances photo, avec changements de tenues et poses élaborées, en équilibre sur les barques des locaux.

Ce n’est de toute évidence pas ce que je suis venue chercher ici : impossible d’en savoir plus sur les traditions Mosuo et de partager des moments d’échange culturel. C’est même assez triste de voir ce petit coin de paradis aussi dénaturé, car malgré tout le lac est un endroit magnifique. On y parvient par une route splendide entre les montagnes qui traverse de petits villages où l’on peut voir, dans les champs, des hommes et femmes en (vraie) tenue traditionnelle. Au fur et à mesure du trajet les visages changent, les gens ressemblent beaucoup aux népalais ici, ce qui n’est pas étonnant car le Népal est effectivement tout proche. Il faut compter 4 heures par la route pour rejoindre Lugu Hu, contre 10 heures il y a un an, ce qui explique un peu l’explosion du tourisme. Je me suis levée aux aurores ce matin pour aller voir le lever du soleil et marcher un peu en pleine nature, c’était vraiment très beau et ça m’a remonté le moral. 

Culturellement parlant les chinois que j’ai rencontrés sont plutôt très serviables. Ils ne parlent pour la plupart pas du tout anglais mais font tout leur possible pour rendre service. J’essaie de communiquer avec mes voisins de train et de me souvenir des cours de chinois pour avoir des conversations, mais ce n’est pas évident ! Quand j’arrive à me faire comprendre ou à acheter des billets de train c’est très satisfaisant. Sinon les chinois crachent, rotent et pètent à tout bout de champ sans aucune gêne, ce qui est assez surprenant et rigolo. La plupart des toilettes publiques sont un canal avec des petites cloisons et pas de portes, tout le monde s’accroupit les unes derrière les autres, j’étais pas très à l’aise la première fois ! 

Côté nourriture je me régale avec nouilles et bouillons en tous genres. Je teste de nouvelles choses plus ou moins appétissantes mais pour le moment tout est plutôt bon ! 

D’ici je vais aller faire le trek des gorges du saut du tigre, où je devrais voir d’autres occidentaux (youpi, je vais pouvoir parler à quelqu’un ! C’est pas trop la saison touristique ici, donc en général je suis soit seule dans mes dortoirs soit avec que des chinois, donc difficile d’avoir des conversations poussées). Ensuite j’irai peut-être à Shangri-La, tout au nord, mais j’hésite car j’ai peur d’y retrouver cette ambiance Disneyland qui manque d’authenticité. Après c’est décidé : je retourne dans des fermes bio pour apprendre de nouvelles choses. J’attends la confirmation d’une ferme près de Kunming qui a un projet de construction écologique pour lequel ils auraient besoin de bénévoles… J’espère que j’aurais l’occasion de discuter sérieusement des sujets qui m’intéressent avec des locaux, ça n’a pas l’air simple car ils ne veulent pas trop répondre à mes questions via Wechat, la messagerie instantanée chinoise qui est bien sûr pistée par le gouvernement. 

Petit point zéro déchet avant de finir ce mail ! La Chine c’est le pays de l’emballage, tout est emballé dans du plastique avec encore plus de plastique autour, même souvent les fruits et légumes ! J’arrive à ne pas acheter de bouteilles en faisant bouillir de l’eau du robinet, mais pour me sustenter au petit déjeuner j’ai été obligée d’acheter gâteaux et brioches sous de multiples emballages 🙁 

Bisous à tout le monde et donnez-moi des nouvelles.

A très vite,
Lucile

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