Dans les montagnes du Yunnan

Trek à la baguette 

你们好 ! 

Après un premier mail sur la Chine assez mitigé j’ai repris du poil de la bête cette semaine, qui a commencé sur les chapeaux de roue avec le trek des gorges du Saut du Tigre (les puristes applaudiront cet enchaînement de deux expressions bien de chez nous). 

Départ lundi matin donc direction Qiaotou d’où commence un trek de deux jours en montagne. Point de groupes de touristes chinois ici, qui préfèrent faire le tour en car à la journée dans le bas des gorges. Nous étions donc un petit groupe de randonneurs d’horizons divers, dont 5 étudiants en échange de Paris Dauphine. Un peu sauvage, j’ai fait semblant de ne pas parler français pendant les deux jours et j’ai marché devant avec un couple d’allemands sympathiques. 

Le trek est long, surtout le premier jour (17km), mais finalement assez facile en dehors des 3 premières heures pendant lesquelles il faut monter un dénivelé de 800m en 28 virages très serrés. Le point culminant est à 2360m d’altitude. Ma copine Charlotte dirait que c’est pas un trek ça, c’est une petite marche !  

Tout au long du chemin la vue est à couper le souffle et un peu vertigineuse entre les montagnes et la gorge en contrebas. À la fin du premier jour la « halfway guesthouse » accueille les marcheurs avec un excellent dîner et des chambres surplombant le vide. Il a neigé pendant la nuit et on s’est réveillés face aux sommets encore enneigés, c’était magnifique ! Le deuxième jour est plus tranquille, avec la possibilité de descendre dans la gorge en payant un peu plus. Surprise, une fois en bas on nous a demandé de payer à nouveau pour pouvoir remonter ! Le retour se fait par une échelle très raide, il ne faut pas avoir peur du vide.  

Pendant cette intermède « marche » j’ai aussi (enfin !) reçu un appel de la ferme qui m’intéressait près de Kunming. Me voilà donc repartie en sens inverse avec le train de nuit puis bus dans les hauteurs pour rejoindre le petit village de DMY.

J’y ai retrouvé Yy, qui m’accueille pour une semaine. Il y a bientôt trois ans qu’elle a quitté son travail dans le marketing pour rejoindre ce projet d’eco-village dans l’objectif d’y créer un verger. Elle s’est ainsi associée à Tt, initiatrice du projet qui n’est pas au village en ce moment pour cause d’accouchement imminent. 

Yy revient tout juste de trois mois en Australie où elle a été bénévole dans plusieurs fermes de permaculture pour se former un peu plus sur les techniques d’agriculture bio. Ici elle cultive des pêches, poires, pommes, prunes et fraises chinoises en plus des choux, oignons, ail, maïs, épinards, brocolis, laitues et des quelques poules que possède la ferme. Sa maison à DMY ne désemplit pas et voit passer tous les nouveaux villageois chargés de provisions pour préparer des repas gargantuesques. 

Car le petit village de DMY dont la plupart des habitants sont issus de la minorité Yi, aux vêtements hauts en couleurs et au teint très mat, se développe avec ce projet d’éco-village. Les nouveaux villageois venus de la ville s’installent dans les anciennes maisons traditionnelles, désertées par les locaux qui préfèrent se construire d’immenses villas à l’américaine. Ils les retapent, créent leur potager et fabriquent toutes sortes d’objets que l’on peut retrouver soit dans la « self-help shop » où chacun peut vendre ce qu’il fabrique (on dépose ses objets sur une étagère où tout le monde peut venir se servir et déposer l’argent dans la caisse correspondante), soit au marché mensuel du village.

Une source coule de la montagne et se déverse dans 3 bassins : le premier pour l’eau potable, le second pour laver les fruits et légumes et le troisième pour faire sa lessive. Il y a également une cuisine communautaire où sont organisés de grands repas pour tout le village et une école maternelle est en construction. 

La plupart des nouveaux habitants sont des femmes d’âge et de parcours très variés. 

Ainsi, tout le monde cultive son jardin et se retrouve pour les repas dans une belle ambiance de fête, de partage et de sororité. Au milieu de tout ça j’ai fait belle impression par mon usage des baguettes et mes connaissances du folklore chinois en ressortant de mes souvenirs la chanson « Xin ai de, ni manman fei ».

Une seule ombre plane : le gouvernement a eu vent du projet et de ses répercussions positives sur la vie du village. Il a donc décidé de reprendre quelques terres aux fermiers (personne en Chine n’est propriétaire de sa terre ni de sa maison, tout appartient à l’état) pour y construire un projet… de tourisme, évidemment ! Hôtel, restaurant, circuit à vélo, tout est prévu pour faire venir les touristes pour observer « la vraie vie de village traditionnel ». De quoi inquiéter les habitants, qui préparent un projet alternatif à proposer au gouvernement. 

En attendant, la vie continue et j’aide principalement Yy à retaper sa future maison, dans le verger. On s’est attaquées au toit et on est en train de récupérer toutes les vieilles tuiles pour les remettre en état, sacré boulot ! Je me suis aussi lancée dans la confection de confiture de kumquats, le résultat n’est pas trop mal. En début de semaine prochaine je devrais pouvoir voir comment on s’occupe des ruches, ça promet d’être intéressant. 

Je suis ravie de pouvoir enfin partager une tranche de vie avec des locaux et en apprendre plus sur la culture chinoise. On peut vraiment échanger et je suis très bien accueillie par la communauté. C’est aussi l’occasion de me reposer un peu et de reprendre des forces en mangeant bien (beaucoup, tout le temps, avec de l’huile). 

Bref, tout va bien sous le soleil et je vous laisse avec quelques photos, dont une des toilettes à la demande générale. 

À vite, 
Lucile 

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