Chez les nomades de Mongolie

Perdue dans la steppe

Сайн байна уу !

Je vous ai laissés alors que le Transmongolien m’emmenait vers Oulan-Bator. Je me suis endormie quand le soleil se couchait sur le désert de Gobi et me suis réveillée quand il se levait sur la steppe enneigée. Les chevaux ont succédé aux chameaux et je suis doucement arrivée à la capitale, où je suis allée rendre hommage à la statue de Gengis Khan avant de faire route vers Kharkhorin (Karakorum en latin), l’ancienne capitale mongole. Six heures de bus à travers des paysages incroyables. La route est plutôt bonne mais le voyage paraît épique, au son de la musique mongole qui célèbre la nature indomptable.

Là m’attendait Batdorj de la famille nomade qui m’a accueillie pour 5 jours. Il m’a conduite au campement à 30 kilomètres de la ville à travers les collines recouvertes de neige. Me voilà au milieu de nulle part, sans aucun réseau. Rien à la ronde que la steppe. Pas d’accès à l’eau courante, on tire l’eau d’un puits, on se chauffe au poêle avec de la bouse de vache, on s’éclaire à l’aide de deux petits panneaux solaires installés à l’extérieur de la Ger (yourte, en mongol) et qui permettent même de faire fonctionner une petite télé, branchée sur des séries coréennes. 

La famille qui m’a reçue comporte 6 personnes : Batdorj, sa femme Tsolmon et leur petite fille de presque 2 ans dans une Ger ; son frère, sa femme et leur fille de 6 ans, qui va à l’école à Kharkhorin la semaine et rentre le week-end dans l’autre Ger. Ils sont donc 4 adultes à s’occuper d’un troupeau de 300 chèvres, 700 moutons, 100 vaches, 40 chevaux et un chat, qui se promène dans la steppe toute la journée et vient se chauffer près du poêle la nuit tombée. Ils ne changent de campement que deux fois par an, en juin et novembre, pour emmener leur troupeau pâturer ailleurs. 

Ce mode de vie nomade est en voie de disparition en Mongolie, en grande partie à cause du réchauffement climatique. Les températures ici ont déjà augmenté de 2,2 degrés en soixante-dix ans, les hivers sont plus rudes et les étés plus chauds. La concurrence de la Chine pour l’élevage de chèvres à cachemire a aussi poussé des éleveurs à acquérir plus de bêtes, ce qui entraîne un surpâturage. L’herbe de la steppe n’a plus le temps de repousser entre les saisons et les éleveurs sont contraints de vendre leur troupeau et de rejoindre la capitale, Oulan-Bator, où vit plus de 30% de la population du pays et qui figure parmi les villes les plus polluées du monde.

Batdorj et sa famille s’accrochent à ce mode de vie, qui pourtant est loin d’être facile ! Les quelques jours que j’ai passés avec eux m’ont permis de découvrir leur quotidien, en cette saison agitée des naissances des animaux. Chaque jour même rituel : on s’assure le matin que chaque agneau et chaque chevreau tète sa mère, on vérifie qu’il n’y a pas d’animal malade ou blessé, on envoie les mères pâturer dans la steppe, sauf celles sur le point de mettre bas, qui sont gardées sous surveillance. Puis on va s’occuper de la jument et de son poulain et on part voir les autres chevaux qui vivent librement autour du camp. Même manège le soir, alors que les vaches rentrent d’elles-mêmes à la tombée du jour (elles n’ont même pas d’enclos fermé) on court après les chèvres et moutons égarés et on recommence à réunir les petits avec leurs mères. 

Au milieu de tout ça mes compétences pour aider la petite famille sont assez limitées ! J’ai surtout pu les aider au nettoyage des litières… L’étable avant le petit déjeuner, la bergerie avant le déjeuner, les chevaux avant le dîner. J’ai pu assister à quelques naissances et aider à maîtriser une ou deux chèvres par les cornes, pas toujours très rassurée dans ces tâches ! Je me suis aussi occupée de la petite Arumgerich, l’enfant chérie de la famille et à vrai dire assez vive, mais bon on lui pardonne. 

De temps à autres la petite famille se souvenait qu’il faut aussi se nourrir, et j’ai pu goûter quelques spécialités mongoles telles que des chaussons fourrés à la viande de cheval frits dans la graisse de bœuf. On se demande comment les mongols n’ont pas le scorbut, il n’y a strictement aucun fruit et légume à se mettre sous la dent ! Bon, en termes de viande on ne fait pas plus bio et local que ça ! Le tout est arrosé abondamment de thé : lait coupé à l’eau, salé, avec quelques feuilles de thé.

Samedi plusieurs invités se sont succédés sous la ger. Il y a un rituel très précis à respecter : on entre du pied droit, les invités s’installent à gauche, la famille à droite. On offre le thé et des petits gâteaux, puis on sort la bouteille de vodka. Tout le monde boit de la même timbale en métal. L’invité d’honneur boit une gorgée, on re-remplit la timbale, Tsolmon, la femme de Batdorj boit à son tour, puis c’est à moi, puis c’est Batdorj . Impossible de refuser, ce serait une offense à l’hôte !  

Voilà donc un résumé de cette semaine chez les nomades. Je suis de retour à Kharkhorin où toute la neige a fondu après une chaude journée (passage de -5 à 20 degrés en quelques jours). J’ai retrouvé trois compagnons de voyage, rencontrés à Oulan-Bator : un argentin, un brésilien et un allemand. Après une bonne douche à l’auberge (chez les nomades, pas d’au courante), nous nous mettrons en route demain avec pour destination Bayan-Ulgii, tout à l’ouest, proche de la frontière avec le Kazakhstan. 

Je manque de temps et de courage pour me relire, vous me pardonnerez les fautes de frappe et d’orthographe. Trop fatiguée 🙂 

À vite, 
Lucile 

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